lundi 30 décembre 2024

Je lis donc je suis

Quel reflet renvoient de nous nos lectures de l’année qui vient de s’écouler ?

Réponse en quelques titres avec le traditionnel et réjouissant

"Je lis donc je suis" initié par Noukette.
Si 2024 ne m'a pas paru la plus glamour des années, je m’attendais quand même

à quelque chose d'un peu moins sombre !

Pourtant, au vu des choix que j’ai opérés, ça aurait pu être bien pire 😄


Avec quelques heures d'avance, je vous souhaite à tous un joyeux réveillon

avant d'ouvrir grand les portes de 2025 !




Décris-toi…

Une femme de mauvaise vie


Comment te sens-tu ?

On n’est plus des gens normaux 


Décris où tu vis actuellement…

Zone base vie


Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? 

Cabane

(dans une, hein, pas en !)


Ton moyen de transport préféré ? 

Rapatriement 


Ton/ta meilleur(e) ami(e) est…

 L'invisible madame Orwell


Toi et tes amis vous êtes…

L’usure d’un monde


Comment est le temps ?

Arctique solaire 


Quel est ton moment préféré de la journée ? 

Jour de ressac 


Qu’est la vie pour toi ?

L’étoffe du temps


Ta peur ?

Les vérités parallèles 


Quel est le conseil que tu as à donner ?

Entendre nos fantômes 


La pensée du jour…

A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ? 


Comment aimerais tu mourir ?

A l’oeuvre 


Les conditions actuelles de ton âme ? 

La vie intime 


Ton rêve ?

La vie meilleure 



A qui le tour ?

samedi 30 novembre 2024

L’épaisseur du trait

Renaud Czarnes
Héliopoles, 2024


Ah, le monde du travail…  Que de pages ont été produites et continuent de l’être sur le sujet ! Son organisation, son langage, la pression qu’il exerce, la violence qu’il engendre… Beaucoup d’essais et de documents, un peu de fiction - mais rarement sous un angle humoristique. En lisant L’épaisseur du trait, on rit souvent… jaune. Il faut dire que l’auteur, qui a exercé pas mal de fonctions à hautes responsabilités, dans pas mal d’univers différents, en connaît sans doute un rayon sur la question. La novlangue managériale et la gouvernance actionnariale n’ont aucun secret pour lui…


A 44 ans, Marceau, ancien journaliste devenu cadre sup dans une grosse agence de comm d’envergure internationale, est arrivé à l’heure du bilan : quel sens donner à son travail ? Quelle valeur accorder à ce qu’il produit lorsqu’il ne s’agit que de flatter l’égo d’un client pour justifier une facture outrageusement gonflée ? Et comment avoir une quelconque estime pour une hiérarchie dont le cynisme n’a d’égal que l’indécence de sa rémunération ? Peut-être serait-il temps de prendre la vie autrement et d’opérer un virage à 180 degrés - surtout si un « plan de départs volontaires » se faisait jour…  


L’auteur épingle les multinationales et leurs méthodes managériales avec une gourmandise que l’on devine nourrie par des années de couleuvres avalées. Ceux qui travaillent dans ce type d’environnement trouveront peut-être le reflet du miroir tendu par cette satire presque trop cru. Mais elle a le mérite de mettre les points sur les i et, franchement, ça ne peut pas faire de mal !


samedi 23 novembre 2024

L’étoffe du temps

Lars Mytting
Actes Sud, 2022

Traduit du norvégien par Françoise Heide



L’Etoffe du temps est le deuxième volume d’une trilogie qui nous entraîne au coeur de la Norvège en nous contant une histoire à la croisée de la saga romanesque et des légendes ancestrales. A la fin des Cloches jumelles, nous avions quitté le pasteur Kai Schweigaard à l’orée des années 1880,  éploré par le décès d’Astrid, la femme qu’il aimait. Celle-ci était la lointaine descendante de soeurs siamoises dont la destinée restait intimement liée aux cloches de l’église qui avaient veillé sur la paroisse de Butangen jusqu’à leur récent démantèlement, l’une ayant été déplacée à Dresde, l’autre gisant au fond du fleuve bordant le village. 


Jehans, Le fils d’Astrid, a à présent grandi et n’a qu’un but : retrouver la cloche ensevelie afin de l’unir à nouveau avec sa jumelle. Mais il se dit que seuls deux frères qu’aucune soeur née entre eux ne séparait pourraient y parvenir…


Lars Mytting nous invite à poursuivre le voyage au coeur de la Norvège rurale qu’il avait initié dans son premier volume. Si l’on continue ainsi de découvrir l’histoire et les traditions de ce pays, on le voit à présent aborder son tournant vers la modernité : à la veille de la Première Guerre mondiale, le village se dote de l’électricité, tandis que Jehans et sa femme bâtissent une florissante exploitation fromagère. Entre conflits d’intérêts et rancoeurs familiales, attachement à l’héritage du passé et promesses de l’avenir, ce récit offre au lecteur une fascinante échappée vers les espaces majestueux du grand nord. 


Quant à savoir ce qu’il adviendra des cloches, il faudra attendre la publication du troisième volume pour le savoir !





lundi 11 novembre 2024

Hollywood s’en va en guerre

Olivier Barde-Capuçon
Gallimard Série noire, 2023


Ce n’est un secret pour personne, l’industrie hollywoodienne est la machine de guerre du soft power américain. Olivier Barde-Capuçon, connu pour ses intrigues policières se déroulant à la cour de Louis XV, nous entraîne cette fois aux Etats-Unis au début des années 40. Le président Roosevelt est convaincu que son pays doit entrer en guerre, mais se heurte à un fort mouvement de résistance : pour America First (eh oui, le slogan ne date pas d’hier) les Américains n’ont pas à aller perdre la vie dans un conflit qui ne les concerne pas. L’idée naît alors au plus haut sommet de l’Etat de favoriser la production d’un film propre à faire basculer l’opinion publique.


Et pour cela, il faut des stars. Errol Flynn tiendra le haut de l’affiche avec l’une des actrices les plus bankable du moment, la superbe Lala. Bien sûr, du côté de l’opposition, tout va être mis en oeuvre pour en empêcher la réalisation. Aussi, lorsque Lala est victime d’une tentative de chantage, la détective Vicky Mallone est-elle appelée à la rescousse. Mais les ennuis ne vont pas s'arrêter là…


Avec ce roman se déroulant à ce que l'on considère aussi bien en littérature qu’au cinéma comme l’âge d’or du polar, l’auteur se plaît à s’approprier les codes du genre et à nous plonger dans l’atmosphère de l’époque. S’il se met toutefois au goût du jour en attribuant le rôle de détective privé à une femme, celle-ci fume comme un sapeur, boit comme un cosaque et multiplie les conquêtes… féminines. Il est assez plaisant de voir jouer de ces stéréotypes, et les seconds rôles sont tout à fait amusants. Le vibrionnant Errol Flynn, notamment, est particulièrement bien campé. Le contexte et les enjeux de ce moment historique sont quant à eux très bien mis en lumière. Mais je dois dire que l’intrigue en elle-même m’a semblé à la fois trop diluée et pécher par un trop-plein de rebondissements et d’interventions providentielles manquant singulièrement de finesse.


En relisant le commentaire que j’avais d’ailleurs écrit sur un précédent roman de l’auteur, je m’aperçois que j’avais déjà émis le même type de réserves : un réel talent pour restituer le climat et les enjeux d’une époque, mais une intrigue modérément convaincante. Peut-être pourrait-il s'affranchir du genre policier et s'essayer à la littérature dite « blanche »... 







samedi 2 novembre 2024

Poupées roumaines

Marie Khazrai
Les Avrils, 2024


Une mère roumaine et un père iranien : voilà un bon départ pour un roman, de quoi entraîner le lecteur vers des horizons quelque peu dépaysants. D’ailleurs, Marie Khazrai ne s’en prive guère et ne perd pas son temps : à peine le lecteur a-t-il ouvert le roman qu’un voyage lui est promis.


Car la jeune femme qui livre son histoire entend retourner sur la terre qui a vu naître sa mère, et que celle-ci avait fuie pour la France afin d’offrir à sa fille une vie meilleure. Ainsi se retrouve-t-elle six jours durant aux côtés de sa grand mère, de sa tante et de sa mère - qui l’accompagne -dans un univers rural semblant dater d’un autre temps… Mais retourner là-bas, c’est faire remonter les douloureux souvenirs du communisme, faire face à une condition particulièrement violente à l’égard des femmes, et se confronter aux secrets soigneusement enfouis de cette lignée. 


C’est dans un surprenant univers que nous plonge Marie Khazrai, manière de gynécée qui s’était constitué autant pour se tenir à l’abri des hommes que des sévices du communisme. La narratrice force les portes et tente d’arracher les mots des bouches qui ne veulent pas s’ouvrir pour percer le mystère de ses origines. 


Mêlant contes et légendes des Carpates et saisissants instantanés de vie, l’auteure déploie une langue vive et heurtée pour dire l’amour qui, derrière leur apparente âpreté, unit ces femmes blessées. Si le propos n’a rien d’original (ce qui n’ôte rien à son intérêt), le style est quant à lui assez singulier. Avec ses chapitres courts, l’auteure va très vite, ne laissant guère à son lecteur le temps de reprendre son souffle. Elle parvient ainsi à restituer le sentiment d’urgence et la confusion dans lesquels évolue l’héroïne. Certes, on se sent parfois un peu désorienté. Mais n’est-ce pas aussi ce que l’on cherche lorsqu’on part pour d’autres cieux ? Ainsi l’immersion aura-t-elle été totale, et le voyage assez fascinant.

vendredi 25 octobre 2024

Intrigue à Brégançon

Adrien Goetz
Grasset, 2023


Rien de tel que de retrouver la pétillante Pénélope et son amoureux Wandrille quand on a un petit coup de mou : lorsque j’ai vu Intrigue à Brégançon sur la table de mon libraire, je n’ai pas hésité une seconde (même si cette destination, à côté de l’Egypte, de Venise ou de Versailles, n’était pas celle que j’aurais privilégiée, mais les livres d’Adrien Goetz étant très mal - trop mal - diffusés, je me suis ruée sur cette nouveauté comme la misère sur le pauvre monde. Bref.) 


Voici donc notre Pénélope, conservatrice du Mobilier national, chargée de renouveler celui du fameux fort, lieu de villégiature présidentielle. Mais, vous vous en doutez, à peine est-elle arrivée qu’un mystérieux crime est commis dans la cour du bâtiment. Et la victime n’est autre que l’une des guides ayant en charge la visite des lieux lorsque ceux-ci demeurent inoccupés. Pourquoi a-t-elle été assassinée ? Savait-elle quelque chose de ce fort qui devait rester secret ? Telles sont les questions posées par cette nouvelle enquête.


Bien entendu, cette intrigue offre matière à présenter l’histoire des lieux. Or une interrogation semble rester à ce jour sans réponse : pourquoi de Gaulle avait-il décidé de faire de cet édifice difficilement accessible et peu confortable - où il était en outre très difficile de se baigner - une résidence balnéaire pour la Présidence ? Différentes pistes de réponse existent, qu’Adrien Goetz se plaît à développer. Mais le fort cache bien d’autres mystères sur lesquels ce roman lève le voile. 


Comme toujours avec cet auteur, la forme ludique et divertissante du récit permet au lecteur d'apprendre quantité de choses, et l’on ressort de cette lecture avec le gratifiant sentiment d’être un peu plus savant. En revanche, le traitement réservé au couple formé par Pénélope et Wandrille m’a semblé moins convaincant que dans les précédents opus que j’ai lus. L’un et l’autre m’ont paru moins acteurs que spectateurs de l’intrigue, ce que j’ai un peu regretté : en matière de héros récurrents, on aime bien, volume après volume, voir ceux-ci gagner en épaisseur et qu’un nouveau pan de leur histoire personnelle nous soit révélé. C’est ainsi que s’accroît l’attachement qui nous lie à eux. On n’en tiendra toutefois nulle rigueur à l’auteur, et j’attends pour ma part avec impatience de découvrir les nouvelles aventures de ce fringant duo !



        

lundi 21 octobre 2024

Coliseum

Thomas Bronnec
Gallimard Série noire, 2024


Les Français se désintéressent de la politique… Ils n’accordent plus aucun crédit à ceux qui prétendent les représenter… Les élus de la République n’ont plus de réelle légitimité… Si certains pouvaient encore tenter de réfuter ces assertions, le scrutin présidentiel de 2027 est venu définitivement enfoncer le clou : avec 39,8 % de participation, Damien Clairville avait été élu en recueillant moins de 4 millions de voix au premier tour et à peine 7 millions au second. Soit un score de 15 % des suffrages. Puisque l’élection avait perdu toute substance, il fallait de toute urgence trouver un nouveau mode opératoire pour susciter l’intérêt de la population. Fini les débats à l’ancienne, vive la téléréalité ! Pour désigner celui ou celle qui allait désormais défendre les couleurs du parti Horizon, les quatre prétendants seraient départagés par les téléspectateurs au terme de trois jours de cohabitation filmés en permanence. Deux femmes et deux hommes vont ainsi être enfermés dans un logement avec jardin et piscine, et, entre une épreuve de cuisine et un jeu de j’aime-j’aime pas, débattre des questions qui préoccupent les Français. 


Si, dès son annonce, l’émission fait l’objet de polémiques, rien ne semble pouvoir empêcher sa mise en œuvre. Pas même les menaces que reçoit Nathan Calendreau, un ancien ministre de l’Economie sur le retour, à la veille de son entrée en scène : s’il ne renonce pas à sa participation, un drame surviendra, le prévient un message anonyme. Mais chez ces gens-là, on a les dents bien trop longues pour sacrifier ses ambitions… 


Tandis qu’un commando de jeunes femmes exécute un homme pris au hasard chaque fois qu’un nouveau féminicide est commis en France, Calendreau se remémore un épisode peu glorieux de son passé. L’une de ses adversaires, avec ses sous-entendus, en aurait-elle connaissance ? 


Thomas Bronnec entrecroise les fils de son intrigue avec une adresse n’ayant d’égal que l’acuité avec laquelle il dépeint l’incurie de notre personnel politique et l'état d'affaiblissement de nos institutions démocratiques. On ne peut pas dire que ce polar redonne beaucoup d’optimisme mais, côté efficacité et plaisir de lecture, il fait admirablement le job !



Merci à Nicole pour cet excellent conseil de lecture